Dans un contexte de sous-protection des intérêts collectifs, l'action collective conjointe s'est imposée comme une solution pragmatique. Grâce à la mutualisation des frais de justice et au rééquilibre des rapports de force, les justiciables y trouvent une voie d'accès au juge inédite. Par action collective conjointe, on entend tout recours en justice à l'initiative d'une pluralité conséquente de demandeurs, de plaignants ou de requérants. Il s'agit donc d'une somme d'actions individuelles, traitées collectivement, autour d'un litige identique ou similaire. Plus connue comme la nouvelle "class action à la française", l'action collective conjointe s'est révélée la principale alternative pour remédier, sur le terrain, à l'échec de l'action de groupe. L'introduction d'actions collectives dans les tribunaux en dehors de tout cadre législatif précis a alors donné naissance à une très grande diversité des pratiques. Les stratégies utilisées par les avocats et les comportements des greffiers et magistrats sont loin de révéler une homogénéité dans le traitement de ce type de contentieux. Si la variété des stratégies procédurales a rendu possible des succès judiciaires (et médiatiques) notables, elle nous interroge sur le besoin d'un encadrement législatif de l'action collective conjointe ou, à tout le moins, d'une flexibilisation du régime de l'action de groupe. En outre, si les défenseurs de ce mécanisme font l'apologie d'un outil en faveur de la bonne administration de la justice, ainsi que d'une solution qui permettrait de faciliter l'accès à l'avocat et au juge, d'autres acteurs du monde judiciaire portent un regard beaucoup plus critique. La difficulté pour les juridictions de gérer ces recours collectifs ainsi que les nombreux risques procéduraux et d'insécurité juridique en constituent les principaux arguments. Quoi qu'il en soit, l'action collective conjointe évolue dans un contexte contrasté. Elle se développe effectivement entre vénérations et vives critiques, entre le formalisme du monde judiciaire et la modernité du monde technologique et économique, entre opportunités politiques d'un "empouvoirement" des justiciables et les craintes des dérives d'un surdéveloppement peu maîtrisé et d'une importante insécurité juridique. C'est donc sur cette innovation juridique et procédurale controversée que nos regards seront portés.